J’adore L’Euskal Trail : sur le 2 x 25, c’est d’abord un format « court » quand on intègre cette course dans une prépa GRP (c’est mon cas cette année avec l’objectif du 80 fin août). C’est de la moyenne montagne, on ne monte pas à plus de 900 mètres donc pas de problème d’altitude, de sections avec 3 heures de montées raides avec pierriers et autres réjouissances de ce genre. C’est sympa car y’a un ravito tous les 5 km avec du fromage de pays, du saucisson, du gâteau basque et des bénévoles avec un sourire et une pêche d’enfer. Et enfin, c’est convivial avec l’arrivée sur la plage du village bondée de monde sur 3 jours et où on retrouve tous les copains / copines de RR85 et autres assos vendéennes bien connues pour refaire le match. Cette année, cerise noire sur le gâteau basque, la météo est de la partie avec une température idéale de 20 degrés de moyenne annoncée et un vendredi couvert, mais lumineux, et un samedi sous le soleil.

Cette année, mon partenaire, c’est le copain Antho qui n’a jamais fait ce type de course en distance mais il a le pied très montagnard, même pas peur…

J1 : l’enfer du Sud-Ouest

Sur l’Euskal 2 x25, la J1, c’est l’inverse de la J2 : on monte pleine balles dès le début à 900 mètres, sans échauffement, pendant 4 km, grosse descente, on se retape un mur à mi-course et normalement ensuite, c’est plus cool avec un plateau et la descente sur l’arrivée. En gros, 1100 m de D+ et 1300 m de D-… Avec Antho, on part sur la 3eme vague (180 coureurs répartis sur 3 vagues de départ : 7h30 avec les cadors, 8h30 avec les bons coureurs et 9h30 avec les touristes et les gourmands… ça tombe bien, on coche les 2 catégories) car on n’a pas de référence chronométrique digne de ce nom. Et ça nous va bien, on se lève plus tard et on prend le temps de bien se préparer. Le débat, c’est bâtons / pas bâtons. Je décide de ne pas les prendre, je prépare la course depuis 3 mois, je suis en forme, je suis en prépa GRP, c’est de la « petite » montagne, ça doit passer tranquille. Bref,un départ plein d’humilité et de tranquillité, le pays basque n’a qu’à bien se tenir, on va lui faire sa fête…

Avec Antho, on décide de partir vite pour éviter les bouchons de début parcours car on sait qu’on est vite sur des singles monotrace où il sera difficile de doubler. On monte, on double, on court sur les sections un peu moins pentues, on est bien tintin, on rejoint le sommet, on double pas mal d’équipes et on arrive au premier ravito, on a la tête dans les nuages, au sens propre comme au figuré car le plafond est bas ce vendredi.. et il fait donc très frais. On ne traine pas pour retrouver de la chaleur 200 mètres plus bas et retrouver de la lumière et mettre fin à l’humidité. On redescend sur Banka, on est au 11ème, on ne traine pas au ravito. On a plié les 11 premiers km en 1h20 (donc presque mi-course), pour nous, c’est un très bon rythme, sachant qu’on a normalement fait le plus dur, avec seulement 600 m de D- sur les 1300 et un seul gros mur en D+.

On repart de Banka le cœur léger et le ventre plein (Antho s’est essayé au gâteau basque !! Je reste aux fruits secs et à la banane, je me dis quand même que c’est pas fini…). 400 mètres de descente vers le point 280 mètres du bas du village de Banka et on commence la remontée vers le plateau à 650 m, le tout en 4 km. Ça pique un peu quand même… c’est raide dès le départ, on met les mains sur les genoux et on monte tout doux. Je commence à avoir des sensations bizarres : pas d’énergie, la tête cotonneuse, j’ai envie de vomir, mal aux quadris… je ne m’inquiète pas, grand classique chez moi, les quadris, c’est ma faiblesse principale, dès que ça monte ou que ça descend dur, ça fait mal. Cela ressemble à une petite hypo (on sort du ravito quand même !!), je mange une compote, je bois, mais rien n’y fait, on est au 12ème et je suis dans le dur. Bizarre, quand même. Antho m’encourage mais je vois bien que je suis un boulet. Devant, y’a une joelette avec un groupe de dingos en pleine pente en train de souffrir car c’est très raide et y’a des cailloux partout : admirable ! Je double, je serre les dents, je n’ai pas le droit de me plaindre… on arrive au 15ème, ravito 3, normalement, on a fait le plus dur en ascension. Une banane, une orange, un tuc et ça repart. On est sur des sections avec montées courtes et descentes courtes donc normalement, on doit envoyer… mais plus ça va, moins ça va. Je suis à l’agonie, j’ai pas de jambes et j’ai très mal aux quadris. Je cours 100 mètres par ci par là mais ça tient pas… et j’ai surtout le moral en berne, j’ai touché le fond bien des fois mais là je suis au fond du trou du trou. Et je le sais, dans ce cas-là, faut pas me faire chier. Je pense qu’Antho l’a compris, il m’accompagne et regarde le paysage. Moi, je ne vois rien à part mes pompes et la course en noir. On se fait doubler par la terre entière. Et les trailers sont vraiment sympas : une petite tape amicale, un mot d’encouragement après le « je passe à droite », j’adore la mentalité qui règne dans ce sport… mais je prends alors des décisions radicales : ce sport n’est pas fait pour moi donc stop aux RR85, je n’ai rien à faire dans ce type d’asso, j’ai tout simplement honte. Fin des courses de ce type, j’arrête tout, je suis trop vieux pour ces conneries. Pas de GRP en août, c’est décidé. Fin de l’entraînement, ça sert à rien, de toute façon, ça ne marche pas, tu ne peux pas faire 5 sorties par semaine, avoir l’ambition de faire 80 km en haute montagne et être à la rue total au bout de 15km sur une course de moyenne montagne. Souscription à l’abonnement Tricot Magazine et au mensuel Notre Temps. Le seul truc qui me motive encore, c’est Antho : dans ma tête, la facilité, c’est de jeter les pompes par dessus bord mais je l’ai fait venir là, je ne peux pas lui faire ça. 18ème km : sur une descente anodine, sur une section en bitume en plus, je crampe sur le quadri droit… c’est le ponpon, là, je me dis que cela va être long, très long. La barrière horaire est à 7h, cela va être juste… un malheur n’arrivant jamais seul, je crampe juste avant une descente de la mort. Je descends prudemment, ça passe, ouf ! 20ème km, dernier ravito, je sais qu’il reste 3 km de descente bien raide et caillouteuse puis c’est du plat dans Saint Étienne de Baigorry. Une main de bûcheron s’abat sur mon épaule : c’est Sylvain, avec Émilie, qui descendent du 40. Ils ont la pêche, ça fait plaisir à voir et ça fait surtout plaisir de voir des têtes connues. On discute 2 mn et ça repart pour nous. J’ai mangé, j’ai bu, on repart tout doux. J’entends 2 TGV qui dévalent derrière, ce sont mes 2 cocos qui descendent tout schuss après 40 bornes, ils vont me mettre 30 mn sur 3 km et surtout 2 bières d’avance. ça, c’est pas possible. Je serre les dents, Antho fait sa descente, il est en grande forme. J’ai mal mais je tente de suivre. ça passe. Allez, plus que 2 km et c’est du plat. Enfin presque plat… chaque petite remontée est un supplice, ça peut cramper à n’importe quel moment. Je cours 100 mètres en tentant de mettre du rythme, je marche 100 mètres quand ça remonte. Y’a un couple avec nous, la fille est dans le même état que moi. On se tire la bourre à celui qui marchera le moins. Mais chassez la douleur, elle revient au galop. On en rigole. Son mec nous challenge, il lui dit qu’elle va finir devant moi. Allez, il reste que du plat, 200 mètres, 100 mètres, l’arrivée enfin… les copains et copines de RR85 sont là, et ça fait du bien. Je m’assois, je suis épuisé. Emilie, compatissante, me donne un cacheton de Sporténine. OK, c’est fini… mais on est qu’à la moitié. Je ne vois même pas comment je vais pouvoir 1- me relever 2- repartir demain avec les quadris en bouillie.

Seule bonne nouvelle de la journée : avec nos 3h47, grâce à un bon premier 10 kilomètres, on accroche la 309ème place. Cela nous donne le droit de partir sur la vague 2, à 8h30. Comme il va faire chaud, c’est déjà ça de gagner

J2 : au paradis du trail…

L’après-midi, on décide avec Antho de se faire une séance cryo dans le torrent local. Quel bonheur ! Je retrouve des couleurs, une petite sieste, une petite bière et une petite visite de St Jean Pied de Port. J’ai mal mais cela reste supportable. Allez une bonne nuit et demain sera un autre jour.

5h30 : réveil. Un petit déj et un petit test dans les marches de l’escalier de l’hôtel : ça passe en montée… mais en descente, c’est dur, très dur. Je regarde le profil du jour une dernière fois : 1300 m de D-. Tout va bien…

Arrivée sur le site du départ : il fait beau, il fait bon et on voit Stéphane, le mari d’Emilie. Sympa, il me rassure, il a mal aussi. C’est con mais ne pas se sentir seul, c’est bien aussi. Il avait pris les bâtons la veille et il m’explique que cela aurait été difficile sans cela. Ben oui, c’est évident, c’est ça qu’il fallait faire. La connerie ayant ses limites, je les ai pris ce matin. On croise l’équipe 1410 : le gars me dit « Alors ça va mieux ». Je lui dis « on se connaît ? ». Ben oui, on s’est vu au dernier ravito me raconte t-il, on a fait un bout de descente ensemble, on s’est encouragé… black out total, aucun souvenir, c’est la 4eme dimension. Je dis à Antho en aparté qu’il doit me confondre avec un autre gars. Antho me confirme qu’on est descendu avec eux. Ah ben, Ok boomer alors, après les quadris, c’est Alzheimer… y’a ma challenger de l’arrivée d’hier aussi : elle est pas bien, super mal derrière le genou. Elle se fait strapper, elle part. Respect.

On démarre, plutôt en queue de peloton cette fois-ci car le J2 c’est 5 premiers km de plat, on a le temps de s’échauffer et de doubler. Je suis rassuré, je ne suis pas le seul à avoir une démarche de Playmobil. Elle va être belle cette journée, il y a une lumière incroyable et j’ai les bâtons dans le dos accroché au sac car je sais qu’à partir du 5ème, les choses sérieuses commencent. Et on a surtout le col d’Aharza au 16eme. 600 mètres de mur jusqu’au 20ème et en effet miroir, 5 km tout schuss pour redescendre sur Saint Étienne de Baigorry.

Bizarrement, les sensations sont bonnes sur ces 5 premiers kilomètres : c’est mon terrain de prédilection, y’a des toutes petites bosses, je cours, je mets du rythme, et la douleur est vraiment très supportable et pas de fatigue du tout, même plutôt la pêche. En 30 mn, les 5 bornes sont avalées, on aurait même pu mettre moins si on n’avait pas bouchonné sur certaines sections. Mais bon, on ne va pas faire la fine bouche, l’important c’est d’arriver au saucisson - fromage du premier ravito en forme. Je sors les bâtons et l’heure de vérité, c’est maintenant… premier mur qui va nous emmener à Banka au 14ème : ça se passe bien, très bien même. L’usage des bâtons soulage la douleur, aussi bien en descente qu’en montée. Et j’ai l’impression que la petite cure de Sporténine fait aussi son effet. Je ressens encore des douleurs mais rien à voir avec la veille. Donc ça court, ça monte, ça descend à bon rythme et surtout, on double beaucoup d’équipes. Et ça, c’est bon pour le moral. Le paysage est grandiose, sous le soleil, c’est du pur bonheur, quel trail, quelle région… et quel bonheur. 2 descentes plus tard et un pottok croisé au milieu de la forêt, c’est le ravito de Banka au 14ème. On recharge à bloc en eau car on sait qu’ensuite ça grimpe dur… et il commence à faire chaud. On est parti, 10 bornes à faire, c’est rien, 10 bornes, c’est un petit entraînement du dimanche matin… on est dans la forêt au frais et ça grimpe. Tout doux, au départ. On croise des torrents : les pieds dans la flotte, quelques ablutions, c’est trop bon cette eau fraîche et pure. Antho se met à son rythme et part devant. Je me mets au mien et ça se passe super bien : la pente s’élève vraiment et on double, on double… c’est dur pour tout le monde car c’est vraiment raide sur certaines sections. On sort de la forêt, soleil… on passe dans une ferme, y’a 2 petites filles qui nous encouragent grimpées sur un muret. Elles me disent « eh y’a un tuyau d’eau juste derrière le mur si vous voulez ». génial, le tuyau sur la tête, c’est la douche bienfaitrice, merci les filles ! On continue, on appuie sur les bâtons, on court sur les petites sections de replat, c’est bon, ça envoie, c’est beau, c’est vraiment bien le trail quand t’as le moral et que tu n’as pas d’ennuis physiques. Je me dis que c’est un beau challenge le GRP. Et que les sorties RR85, c’est quand même sympa. Et puis s’entraîner toute la semaine, ça change quand même les idées.

Allez hop, on est au 20ème, c’est le dernier ravito, on est au sommet, on a plus qu’à lâcher les chevaux. On passe la crête et là, le paysage est époustouflant : on est sur un single roulant, sans pierres, à flanc de montagne, on peut courir car on suit la courbe de niveau et on a vue sur toute la vallée en contrebas, on est à 700 mètres de haut, le cœur léger et la tête dans les nuages, on est au paradis du trail ! Allez on commence à descendre : avec Antho, on fait la descente tout schuss. De toute façon, j’ai mal quand je me retiens donc je tente d’avoir une position plus vers l’avant, plus de vitesse, plus risquée… mais ça passe. Ça double encore, on est bien, on profite. On atteint le bas, il reste 500 mètres de plat, on accélère encore, on passera pas sous les 4 heures (4h05 au final sur le J2 et 277ème au classement final) mais tant pis, on l’a fait et c’est trop bon, l’arrivée nous tend les bras, merci Antho pour les bons et les mauvais moments, merci les RR85 pour les sourires de l’arrivée. Vive le trail !

Sébastien MILCENT

Photos en suivant ce lien:  https://share.icloud.com/photos/03bGW9uDaHY9vVvYl1SkMHgYw